Existe-il en fait des bactéries ( de mêmes espèces ) vivant indifféremment dans les eaux de nos côtes (bretonnes en l’occurrence ) et dans les eaux tropicales ?
Maintenant que nous avons entrevu ce qu'est une espèce bactérienne, nous pouvons comprendre que cette question est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Comme ces deux biotopes sont différents, les communautés bactériennes le seront probablement aussi. Idem pour les communautés bactériennes spécifiques des nitrification-dénitrification. Il est possible que certaines espèces se retrouvent dans les deux systèmes mais leurs proportions et degrés d'activités seront vraisemblablement différents. Un transfert de matériel/sédiment d'un endroit à l'autre pourrait fonctionner, mais seulement après un re-équilibre de la biocénose. Un exemple tiré de la bioremédiation pourrait illustrer mon propos: Améliorer une bactérie bouffeuse de pétrole par modification génétique. D'un côté, il y a la bactérie hôte isolée d'un sol pollué et de l'autre un plasmide possédant les gènes pour la dégradation des hydrocarbures. L'expérience a montré que le système fonctionne bien seulement en utilisant une bactérie hôte isolée de la zone à traiter. La même espèce de bactérie hôte issu d'une collection de souches de labo ne fonctionnera pas d'une manière satisfaisante.
Les concepts issus de la bactériologie médicale sont peu appliquables à la microbiologie de l'environnement car les bactéries infectieuses vont trouver un environnement hyper-spécialisé pratiquement identique à chaque fois. Par exemple, les sangs provenant d'un habitant ou d'un autre ailleurs sur le globe vont être assez semblable pour permettre la croissance de bactéries très proches génétiquement (d'une même espèce).
Quant aux transferts horizontaux de gènes (entre organismes qui ne descendent pas l'un de l'autre), c'est aussi une histoire édifiante. Quand j'ai commencé à les étudier au labo, ces phénomènes étaient vus comme exceptionnels dans la nature et plutôt un artefact produit par quelques zouaves jouant avec leurs éprouvettes... Aujourd'hui, après bien des sagas, ces transferts sont observés soi-disant partout et super-fréquents. Évidemment, la réalité est entre les deux. Tous les gènes ne sont pas transférables naturellement et la plus grande partie de l'ADN entrant dans une cellule étrangère est dégradé et utilisé comme nutriment. Néanmoins, il reste que notre concept du fonctionnement de la molécule d'ADN a changé de 180 degrés, passé de rigide-statique à fluide et dynamique. Bon là, je m'exprime trop mal pour continuer...
Avec les bactéries, nous sortons nettement du cadre "Naturaliste", car nos outils habituels ne nous permettent pas de les distinguer au-delà de quelques exceptions...
Le plus souvent, tout ce que nous pouvons faire, c'est de ne pas oublier qu'elles sont là !
On peut observer facilement les bactéries de l'environnement au MO avec un 100x à l'immersion et même souvent avec un obj 40x, cela après coloration ou au contraste de phase. Le problème, c'est que dans le 99,999 % des cas, on ne peut pas les nommer, ni même les isoler. Et sans une culture pure sur milieu nutritif, une détermination est pratiquement impossible.
Et oui, il ne faut pas les oublier car sans elles, nous n'existerions simplement pas...
Quelqu'un sait-il si les bactéries sont aussi soumises à des virus ?
OUI, toutes les bactéries sont attaquées par les bactériophages (cyanophages pour les cyanobactéries). Ils sont encore plus nombreux en quantité que les bactéries elles-mêmes. Certains sont des vecteurs de transfert de gènes. Par ex., les gènes de la toxine du cholera sont transmis à la bactérie hôte (Vibrio cholerae) par un bactériophage. Les V. cholerae qui n'ont pas intégré ce bactériophage existent, mais sont inoffensifs.
Je vous parlerai des phages au message suivant, ils sont trop géniaux pour être sabordés rapidement après ce long bla-bla...