J'avais promis de faire un petit topo sur le bouquin ci-dessus lors de sa réception (et après lecture!), je m'y mets...
Première remarque, c'est l'édition 1985, mais au prix où je l'ai payé, il ne faut pas demander la lune.
Un peu usé, un chouia esquinté (mais c'est réparé).
629 pages de lecture, pour environ 1.5 kg!
Je signale d'abord que c'est un travail collectif, Lee, Hunther et Bovee en étant les coordonnateurs (mais chacun a aussi traité du ou des groupes dont il est spécialiste).
Une intro., plusieurs pages intéressantes relatives à la collecte, la culture, le montage (plusieurs formules, certaines inaccessibles à l'amateur quand même) des "protozoaires" (protistes).
On ne parle cependant pas encore de Protistes (le bouquin date de 1985...) mais cette dénomination est tout de même citée via le travail de Corliss de 1984. J'aborde cette question in fine.
A noter un article succinct mais bien fait sur l'écologie des organismes étudiés.
Pour le reste, la classification est certes datée, mais peut être facilement mise à jour avec le (gros) travail de Adl et al. (2005)*.
Ce dernier est téléchargeable gratuitement et librement là:http://www.luciopesce.net/zoologia/protozoi.pdf
Chaque famille est traitée jusqu'au genre, de très nombreuses photos (en noir et blanc, microscope optique et MEB), et surtout (ce qui personnellement me convient mieux) des dessins au trait, visiblement réalisés à la chambre claire, avec échelle.
Les familles sont très généralement assorties d'une clé des genres.
Chaque groupe est traité par un ou des spécialistes de celui-ci, et les genres sont bien décrits, figurés, avec des notes d'écologie, et des informations sur le mode de reproduction.
Un traitement tout particulier est réservé aux parasites tant de l'homme que des animaux, avec des schémas des cycles de vie.
En conclusion, si le fameux (et excellent) ouvrage de
Krauter S. 2006. Das Leben im Wassertropfen. Kosmos. Stuttgart. 429p
reste un incontournable pour "défricher", il est incontestable que le guide de Lee et al. est nécessaire pour aller plus avant, et tenter des déterminations génériques.
Je le conseillerai donc sans réserve (sauf celles relatives à l'évolution des connaissances depuis 1985...) à ceux que les "choses" dans une goutte d'eau fascinent...
J'ai dit plus haut que je reviendrais sur le dilemne "protozoa" vs. "protistes".
En effet, ces organismes vivants peuvent dépendre des deux codes de nomenclature: botanique (ICBN), et zoologique (ICZN)....
On avait simplifié en disant que les "algues" et les "champignons" relevaient de l'ICBN, et les "protozoaires" de l'ICZN.
Sauf que certains taxons ont été décrits à la fois en utilisant les règles ICBN et celles de l'ICZN..
Ce n'est pas anecdotique: on peut par exemple trouver les dinoflagellés dans le Bourrelly (1985), tome 3, "Les Algues bleues et rouges, les Eugléniens, Peridiniens et Cryptomonadines", pages 46-102, et retrouver les mêmes dans le Lee et al. (1985) dont il est fait état ci-dessus. Corliss (1995) confirme l'existence du problème, et évoque ses conséquences.
Adl et al. (2005) proposent une nouvelle nomenclature, reposant sur des analyses phylogénétiques (moléculaires et morphologiques) et définissent les regroupements taxonomiques comme reposant sur des clades (états des caractères dérivés partagés).
Dans un deuxième papier, Adl et al. (2007) enfoncent le clou: les "champignons" (fungi) sont dépendants de l'ICBN, mais sont le groupe-frère des animaux (donc ICZN). Or, des taxons situés à la base de ces deux clades sont décrits selon... l'ICZN!
Et l'on s'étonnera que la situation soit jugée compliquée!
Un autre exemple donné par Adl et al. est le cas d'un agent pathogène, Pneumocystis, décrit à l'origine comme protozoa (donc ICZN). Or, on sait depuis qu'il serait un "champignon" (fungus), donc devrait relever de l'ICBN... Comment fait-on?
Dans leur article de 2005, Adl et al. proposent une nomenclature, solide, mais qui nécessite la définition de ce qu'est un "protiste": "The popular term protist is retained to describe eukaryotes with a unicellular level of organisation, without cell differentiation into tissues" [le terme courant de protiste est conservé pour décrire des eukaryotes organisés au niveau unicellulaire, sans différentiation cellulaire dans les tissus].
Mais le problème, c'est que le raisonnement impose alors de revoir les prérequis des codes de nomenclature, leur rôle étant de donner des noms stables et non-ambigus aux organismes vivants...
Le problème est loin d'être réglé!
On pourrait peut-être créer un nouveau code "protistes" comme il en existe un en bactério. ou en viro.? Mais qui, comment, quand?
A moins que l'on ne regroupe tous les codes (mais alors, je n'ose imaginer le cirque!)?
On reste en l'état? C'est devenu invivable, surtout à la lumière des travaux de bio. moléculaire....
Alors?
C'était une petite incidente, mais qui me semblait intéressante à proposer, ne serait-ce que pour s'agiter les neurones!
Bonne soirée à toutes et tous,
*Adl, M.S., Simpson, A.G.B., Farmer, M.A., Andersen, R.A., Anderson, O.R., Barta, J.R., Bowser, S.S., Brugerolle, G., Fensome, R.A., Fredericq, S., James, T.Y., Karpov, S., Kugrens, P., Krug, J., Lane, C.E., Lewis, L.A., Lodge, J., Lynn, D.H., Mann, D.G., McCourt, R.M., Mendoza, L., Moestrup, Ø., Mozley-Standridge, S.E., Nerad, T.A., Shearer, C.A., Smirnov, A.V., Spiegel, F.W., Taylor, F. J. R. 2005. The new classification of eukaryotes with emphasis on the taxonomy of protists. Journal of Eukaryotic Microbiology 52 (5): 399-451.
**Corliss J.O. 1995. The ambireginal protists and the codes of nomenclature: a brief review of their significant rules in maintenance of our biosphere. Bulletin of Zoological Nomenclature 52: 11-17 [téléchargement là: http://www.archive.org/details/bulletinofzoolog52inte]
*** Adl S.M. et al. 2007. Diversity, Nomenclature, and Taxonomy of Protists. Systematic Biology. 56(4):684-689 [téléchargement là: http://myweb.dal.ca/jmarchib/2007.Adl.Syst.biol.pdf]