Cet Ophrys , bien qu'attribuable à la mouvance scolopax, est morphologiquement bien différencié et mérite son rang spécifique.
Le labelle porte des dessins complexe. Les pétales sont de couleur crème et les sépales sont blancs avec une ligne verte.
Les fleurs sont dans une position presque horizontale. Le labelle est très replié, cylindrique. Les gibbosités sont situées au 1/3 et sont beaucoup moins développées en pointes que chez d'autres formes du groupe scolopax
C'est une endémique du Var (vallée du Gapeau, plateau de Siou blanc...).
Elle a été décrite au XIXe des "environs de Toulon" puis est tombée dans l'oubli avant d'être redécouverte par P.M. Blais cartographe SFO du Var dans les années 2000.
Son descripteur, le botaniste bisontin Charles Grenier l'a dédiée au botaniste récolteur M.Y.Philippe .
Une station classique vers Belgentier est régulièrement visitée par des orchidophiles venant de loin et, comme souvent dans ce genre de station fréquentée, il suffit de suivre un cheminement pour aboutir devant des petits cercles de pierre destinés à protéger les plantes du piétinement tout en les signalant.
Cette espèce fleurit assez tardivement pour la flore méditerranéenne dans la 2e quinzaine de mai. Nous l'avons photographiée à la pentecôte 2016.
On ne peut s’empêcher de se poser la question de l'origine de cette espèce !?
Une hypothèse autre que l'apparition d'un mutant viable et fertile, a été proposée pour l'origine de cette espèce: l'hybridation d'Ophrys locaux avec Ophrys apifera qui est effectivement présent non loin et qui fleurit bien plus précocement dans le Var qu'ailleurs (début mai dans le Var, fin juin, voire juillet dans le Doubs et fin mai en Ardèche).
A signaler, une étude caryologique a été faite de cette espèce par des botanistes de l'institut bioméditerranéen de biodiversité et d'écologie et du parc national de Port Cros, R.Verlaque et A.Aboucaya en 2012 :
Le résultat est 2n = 36, concordant avec les données pour O.scolopax et pour la majorité des espèces du genre Ophrys.
La figure de métaphase somatique de l'ovaire est visible page 284 de leur publication qui est en ligne.
Est-ce que des études génétiques plus poussées pourront nous en apprendre plus sur le mode de formation de cette espèce ?
Son endémisme, son histoire avec oubli et redécouverte rendent en tout cas cette espèce remarquable.
Elle est surtout représentative de l'évolution en cours chez les Ophrys qui rend ce genre attractif pour les naturalistes.
Si son origine est vraiment hybridogène, pourquoi sa population est-elle restée présente depuis le XIXe siècle sans se développer plus ?
On ne peut pour l'instant qu'admirer cette espèce en rêvant aux mystères de l'évolution...