Bonjour toutes et tous,
Je suis par hasard tombé il y a quelques jours sur un excellent documentaire ("Les seigneurs du Yellowstone) diffusé sur le cable par Ushuaia Tv (information ô combien sans pub! ) relatif aux loups de Yellowstone, mais surtout aux travaux, que j'avais déjà lus avec un très grand intérêt, de deux chercheurs, Ripple et Beschta.
Ceux-ci ont écrit de très nombreux articles scientifiques (petite liste in fine) qui analysent, en termes écologiques, les effets de la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone.
De leurs papiers (et de l'émission qui les vulgarise très correctement), il ressort que la réintroduction des loups a eu un effet extrêmement bénéfique sur les écosystèmes:
- élimination des loups = explosion des grands herbivores = plus de jeunes arbres (cohortes "cassées") car broutés = plus de renouvellement du stock arbustif = disparition des castors et des loutres = impacts sur les rivières, qui se chenalisent et commencent leur travail de cisaillement (plus de végétation rivulaire pour empêcher le phénomène) = modification des biocénoses aquatiques (poissons, amphibiens) = destruction inéluctable de la biodiversité spécifique...
- après que les loups fussent réintroduits, les effets furent rapides (une quinzaine d'années): régulation des grands herbivores, retour d'une structure arbustive rivulaire et forestière cohérente (toutes classes d'âge), retour des castors, des loutres, d'amphibiens, et même de plusieurs dizaines d'espèces de coléoptères, et de nouveau, hydrosystèmes variés (méandres là où ne subsistaient que des rivières devenues extrêmement rapides et érosives par exemple)...
- les "conflits" fermiers/loups ont été réduits grâce à des mesures ad hoc de simple protection, et économiquement, la région a gagné car le tourisme "vert" s'est développé, et que les éleveurs y ont de ce fait aussi gagné...
J'ai relu tous les papiers de Ripple et Beschta (un bon nombre je crois est en libre disposition sur le web), qui fournissent des preuves incontestables... D'excellentes photos comparatives sont d'ailleurs proposées dans plusieurs de leurs papiers: avant/après...
Pour information, l'émission sera rediffusée les 1/10 à 0h27 et 6/10 à 16h03.
En ce qui concerne les conflits éleveurs/loups, une étude effectuée dans le Minnesota avait montré que les attaques de loups étaient plus fréquentes selon trois facteurs: taille de l'exploitation, nombre de têtes de bétail, et éloignement des troupeaux par rapport aux habitations. Ainsi, un grand troupeau, loin des maisons et visité simplement (avec des "quad" ) une ou deux fois par jour est-il plus vulnérable que des troupeaux de taille moyenne, avec présence de bergers et/ou de chiens spécialisés.
Cela s'appelle réfléchir, et refuser d'agir simplement selon ses tripes...
C'est hélas trop souvent le cas dans notre pays qui privilégie la bête "vengeance", sans réfléchir aux causes réelles (et si des chiens étaient aussi responsables?), ni aux avantages (y compris sonnants et trébuchants!) d'avoir des loups sur le territoire.
Un tout récent communiqué d'une Association de protection de la faune sauvage, non subventionnée par l'Etat (http://www.aspas-nature.org/) est très alarmant à ce propos, et montre bien les processus qui se sont engagés.
je la cite donc quasi intégralement:
"Dimanche dernier, dans le Parc National du Mercantour, le collier émetteur dont une louve avait été équipée, a été retrouvé sectionné manuellement. Mardi, un deuxième loup succombait à un tir de prélèvement autorisé par l’État dans le Haut-Verdon (04). Hier, le cadavre d’un troisième animal était découvert dans la Gordolasque (06). Incapable d’endiguer le braconnage, le Ministère de l’Écologie continue néanmoins à délivrer des autorisations de tirs de cette espèce protégée. Nos dirigeants ont-ils décidé d’éliminer les plus beaux représentants de notre biodiversité ?
Tranché au couteau et jeté dans une rivière, le collier détérioré ne peut laisser présager qu’une sombre issue à sa porteuse, dont toute trace a été perdue. Il s’agit du troisième loup équipé de la sorte dans le cadre d’un suivi scientifique mené dans le Parc National du Mercantour et… de la troisième disparition mystérieuse.
Mardi, un nouveau canidé venait alourdir le tableau de chasse du ministère dit de l’Écologie, après une autorisation de tir délivrée dans le Haut-Verdon (04). Suite à un recours déposé par l’ASPAS, l’audience prévue pour étudier la légalité du tir devait avoir lieu le 29 septembre ! À ce jour, l’État a ordonné plus de 70 autorisations de tirs de canidés sauvages dans le cadre du protocole loup, qui permet à la France d’en abattre « officiellement» six. Trois loups ont ainsi été abattus et un autre blessé dans le Doubs. Un tir d’effarouchement a même été autorisé dans les Vosges, secteur où le prédateur vient à peine de poser les pattes.
Mercredi soir, le cadavre d’un autre individu est retrouvé dans ce même département, probablement victime d’un acte malveillant. Le braconnage de nos loups se multiplie aux quatre coins de la France. Déjà, en janvier 2008 le cadavre d’un animal décapité était retrouvé à Presle, en Savoie. En 2009, deux loups étaient abattus impunément par des chasseurs, en Haute-Savoie et dans les Hautes-Alpes. À ces cas avérés et connus s’ajoutent les cas suspectés ou inconnus, bien plus nombreux. Selon une expertise scientifique s’appuyant sur la comparaison des taux de croissance des populations et des effectifs réels, une centaine de loups (au minimum) auraient été braconnés en une dizaine d’années ! (Source : FERUS)"...
Voilà.
Je sais fort bien que certains vont probablement réagir, je sais aussi que ce sujet est stupidement polémique, mais que ceux qui voudraient rouspéter lisent d'abord ces travaux:
Beschta R.L. & Ripple W.J. 2008. Wolves, trophic cascades, and rivers in the Olympic National Park, USA. Ecohydrology. 1: 118-130
Ripple W.J. & Beschta R.L. 2003. Wolf reintroduction, predation risk, and cottonwood recovery in Yellowstone National Park. Forest Ecology and Management 184: 299–313
Ripple W.J. & Beschta R.L. 2004. Wolves, elk, willows, and trophic cascades in the upper Gallatin Range of Southwestern Montana, USA. Forest Ecology and Management 200: 161–181
Ripple W.J. & Beschta R.L. 2004. Wolves and the Ecology of Fear: Can Predation Risk Structure Ecosystems? BioScience. 54( 8): 755-766
Ripple W.J. & Beschta R.L. 2007. Restoring Yellowstone’s aspen with wolves. Biological Conservation. 138: 514–519
On n'en reparlera qu'après!
Bonne journée à tous!