Bonjour Sylvain, tous,
En 1994-1995, nous avions observé la pullulation de ce petit gastropode, que nous avions identifié ultérieurement sous le nom d’
Odostomia scalaris, c’était le Pyramidellidae présenté ci-dessus par Sylvain.
Lors de la première observation dans un bassin fermé du port du Havre riche en moules, fin 1994, je n’avais aucune idée de ce qu’il pouvait être. Je rentrais d’un stage de biologie marine pour plongeurs que je co-organisais tous les étés à Cerbère, à la frontière espagnole, avec mes complices Robert Oms et Géry Parent. Le thème 1994 était les opisthobranches, et au cours de ce stage, nous avions confirmé plusieurs identifications de ces superbes limaces par la préparation et l’examen de leurs non moins superbes radulas. Je me suis donc dit que pour identifier ce gastropode inconnu, remarquable par sa pullulation, il allait falloir préparer la radula. Vu la taille de la partie antérieure du corps, il était hors de question de faire une dissection ! Mais le matériel était abondant. J’ai donc immergé la partie antérieure du corps d'un premier spécimen dans de l’eau de Javel diluée, dans un verre de montre. Au bout d’une digestion d’1/4 d’heure, j’explore le résidu sous loupe binoculaire. De radula point. L’eau de Javel était peut-être trop concentrée ? Je dilue et recommence. De radula point. La digestion était trop longue ? Dix minutes. De radula point. Je décide donc de travailler avec de l’eau de Javel très diluée en surveillant sous bino la progression de la digestion. Le bulbe buccal (qui contient la radula) apparaît rapidement, puis est digéré progressivement à son tour jusqu’au plancher buccal. Mais de radula toujours point !
Ce n’est que plus tard, au moment où j’ai (enfin) réussi à identifier la bête, donc à prendre connaissance de son comportement alimentaire si particulier, corroboré par les quelques photos ci-dessous, que j’ai compris ma méprise et que le rouge de la honte m’est monté jusqu’au menton (il n’a pas réussi à atteindre mes pommettes, il ne faut quand même pas exagérer…) !
Compte tenu de son régime alimentaire,
Brachystomia scalaris n’a pas de radula ! Son bulbe buccal est transformé en pompe qui lui sert à aspirer l’hémolymphe de la moule, la radula et les mâchoires ont été oubliées pour motif d'inutilité au cours de l'évolution.
La seule interrogation qui persiste (pour moi) est l’absence de réaction de la moule : anesthésie par le prédateur ? Seul ou en petit groupe, il attend sur le bord des valves si elles sont fermées que la moule passe en phase de filtration active, il déploie alors une longue trompe qu’il fait pénétrer dans le bord du manteau, pourtant décoré sur le pourtour du siphon inhalant de papilles lobées sensitives, sans réaction de la moule.
Je rassure Sylvain sur l’impact économique potentiel de cette prédation. D’abord,
Brachystomia est un parasite externe (mais parasite quand même) et non pas un prédateur, il ne tue pas son hôte (contrairement au prédateur qui peut tuer sa proie) car quand on est un parasite conséquent, on ne scie pas la branche sur laquelle on s’assied. Ensuite, si les pullulations sont impressionnantes, elles sont brèves, quelques mois, et peu souvent revenues : depuis la prolifération majeure de 1994-1995, je n’ai observé que trois fois des pullulations chacune de moins d’un mois.
Et voilà quelques photos, macrophotos sous-marines (la coquille du gastropode mesure 3 à 4 mm de longueur), prises à l’époque avec un Nikonos III, argentique 24x36 étanche, avec bague-allonge permettant d’atteindre le rapport 1/1, flash ; agrandissements de diapositives 100 ISO numérisées.
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Avez-vous remarqué les yeux des
Brachystoma ?
Cordialement,
Gérard Breton