Bonjour !
Je souhaite pour ma part réagir sur la notion même de « débat » qui est évoquée ici. En tant qu'étudiant en science, c'est une question qui me tient à cœur. Et c'est aussi une porte ouverte vers un peu de philo, malgré les apparences.
Débat citoyen vs débat scientifiqueUn débat scientifique est une chose singulière. En société, un débat honnête devrait impliquer tous les citoyens, indépendamment de leur extraction sociale, leur profession, leur confession, etc. En d'autres termes, un débat de société est par essence démocratique (ce qui, hélas, n'exclut en rien que certains d'entre eux soient directement ou indirectement biaisés par le pouvoir en place). Il n'en va pas de même pour un débat scientifique, qui n'est pas démocratique et n'a pas vocation à l'être. En effet, son seul but est d'analyser des faits (observations, expérimentations) pour confronter des hypothèses et établir une théorie (dont la principale caractéristique est d'être falsifiable, cf. Popper).
Changements climatiquesÀ partir de là, le volet scientifique des changements climatiques (je préfère parler de changements, au pluriel, plutôt que de réchauffement puisque les effets locaux prévus par les modèles sont très contrastés d'une région à l'autre, et n'impliquent pas toujours un réchauffement; cela dit ça ne change rien à la tendance d'ensemble), c'est-à-dire l'établissement de modèles et l'évaluation de leur pertinence, la collecte de données, etc., ne peut être débattu que par les spécialistes des disciplines concernées (elles sont nombreuses, de l'informatique à la physique en passant par la biologie). Ce débat s'organise autour de réunions, colloques, conférences, congrès, etc. et s'appuie sur des publications dans des revues internationales à comité de lecture. Publications dont l'importance a été oubliée par un scientifique hexagonal bien (trop) connu.
Réflexion sur les enjeuxEn revanche, il est de notre
devoir (ce n'est pas seulement un droit, j'insiste) à tous, citoyens que nous sommes, de réfléchir aux
enjeux humains, sociétaux et géopolitiques que de tels changements impliquent. Je constate que nos sociétés ont beaucoup de retard sur cette réflexion. En ce sens, je rejoins totalement l'avis de Christian (pillage, absence de partage, consumérisme à outrance, etc.).
Où le train dérailleLes problèmes commencent quand on mélange tout. Un débat scientifique démocratisé est un terrain favorable à toutes les élububrations pseudo-scientifiques possibles et inimaginables (cf. la prétendue fin du monde annoncée presque chaque année depuis des lustres
). De la même façon, un débat de société investi par les experts et les technocrates a toutes les chances de tourner au scientisme et finir en catastrophe (eugénisme et darwinisme social, pour ne citer que deux exemples fameux). De la même façon que les citoyens ne possèdent pas les outils pour prendre part à un débat scientifique, la science n'a pas de morale et n'a donc aucune légitimité à prendre part aux débats de société (constat rabelaisien, donc assez lointain,
science sans conscience..., avec l'acception ancienne du mot « conscience », c'est-à-dire morale).
Autres débats, mêmes symptômesD'une certaine façon, cette désolante confusion des magistères se retrouve dans tous les débats contemporains d'inspiration scientifique qui animent nos sociétés : je pense aux organismes transgéniques (OGM), aux ondes, aux nanotechnologies. C'est d'ailleurs l'une des raison pour lesquelles ces questions créent de violentes polémiques et se terminent presque toujours en pugilat ou en aporie.
Et ce n'est pas tout !Une autre question passionnante et connexe concerne le
principe de précaution et ses liens intimes avec les débats, la science et les attentes des sociétés contemporaines. Mais c'est une autre histoire.
En tout cas, Guy, merci pour ce message stimulant qui a permis d'évoquer tant de choses !
Cordialement,
Eddy