Deux diptères parfaitement banals ce soir, mais qui:
1) sont présents dans mon bosquet, donc méritent une petite place (j'ai déjà dit que je ne supportais pas le partage entre espèces "vulgaires" , et espèces dites "nobles", tant cette discrimination me semble stupidement subjective...)
2) ont fait l'objet d'une jolie (et un rien rigolote!) bagarre taxonomique pour l'un d'entre eux (j'y reviens)
3) représentent un grand intérêt en médecine légale, et
4) posent des problèmes d'hygiène (transporteurs pas très sains de bactéries pas très saines, pour le moins...).
Place au premier, Sarcophagoidea: Callophoridae: Lucilia caesar (Linnaeus 1758)
Le nom de Linné est mis entre parenthèses, parce que décrite à l'origine (1758) sous Musca caesar, elle a été renommée Lucilia caesar en 1830, le genre Lucilia ayant été érigé par Robineau-Desvoidy.
C'est tout bêtement la "mouche verte"... mais si jolie au soleil!
La seconde espèce, la "mouche à damiers", Sarcophagoidea: Sarcophagidae: Sarcophaga carnaria Böttcher, 1912
Et c'est ici que l'on rigole...
En effet, la bestiole a longtemps été attribuée à Linné, or... pas de type dans les collections!
Lehrer, en 2008 (LEHRER A. Z. 2008. Le statut taxonomique des espèces « Musca carnaria Linnaeus, 1758 » et Sarcophaga carnaria Böttcher, 1912 (Diptera, Sarcophagidae). Fragmenta Dipterologica. 13: 15-17), a mis les choses au point (voir: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/r ... nr._13.pdf), et son article commence merveilleusement!
Que l'on en juge:
"Après l’apparition des opacités intellectuelles de Richet (1987) sur l’identité de l’espèce « Musca carnaria Linné 1758 » et, surtout, après la propagation obstinée de celles-ci par le cabotin de la taxonomie des Sarcophagidae (Pape, 1996), a suivi une longue période d’apparente indifférence sur la nécessité d’élucider qui est l’espèce-type du genre Sarcophaga Meigen. La cause principale a été déterminée par l’illusion que les spécialistes de la famille Sarcophagidae prendront une attitude contre les faux débités par Richet et préciseront le vrai taxon qui correspond à la réalité et aux normes du CINZ."..
Et vlan!
Et ça continue dans le même style, avec toutefois une excellente analyse, totalement bétonnée, qui montre bien que cette mouche à damiers doit bien être attribuée à Böttcher, un point, c'est tout!
Ah si, évidemment, Musca carnaria Linnaeus, 1758 :596 est nomen nudum.
J'ai dit aussi à quel point ces deux "mouches" étaient importantes en médecine légale.
Depuis Mégnin en effet (Jean Pierre Mégnin. 1894. La Faune des cadavres, application précise de l'entomologie à la médecine légale Paris : G. Masson) on sait qu'un cadavre en milieu aérien est colonisé successivement par des "escouades" d'insectes, ce qui permet de déterminer, avec l'usage du temps de développement larvaire desdits insectes (°C/jour), une évaluation du délai post-mortem, et donc de dater un cadavre. Le Mégnin est téléchargeable là: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k73846n.
On y verra que S. carnaria et Lucilia caesar sont toutes deux significatives de la 2ème escouade.
Voilà. Pour la petite histoire, sachez aussi que Myskowiak J-B et votre serviteur, entre autres, ont mis en place une méthode similaire utilisant les macro-invertébrés aquatiques pour l'évaluation du délai post-mortem des noyés avec ou à l'insu de leur plein gré... Précisions par MP sur demande.
Bon, trève de bavardages, la bestiole:
Certes, ce ne fut ni très ragoutant, ni très rigolo, mais ce petit post me semblait nécessaire: honneur aux humbles et aux sans grade!
On poursuivra sous peu chez les diptères avec de petites mouches bien plus mignonnes!
Bonne soirée!